Une ballade dans Rouleauville-Mission sur les traces de nos ancêtres.

L'été s'achève, la rentrée scolaire est terminée et les feuilles des arbres changent de couleurs timidement, il est grand temps de planifier nos activités automnales. Autant dire que cette fois-ci, je profite de la ville. En effet, j'ai un faible pour ce BaladoDécouverte: "Rouleauville, le quartier historique de Calgary". Une escapade sur les traces des premiers pionniers francophones installés en Alberta et leur patrimoine. Une source inépuisable d'informations et d'anecdotes sur le passé et le présent de ce beau quartier. 

Au square Rouleauville, sur la 17ème avenue, la murale de James Marshall en premier plan et le clocher de la cathédrale St. Mary's en fond. Photo DCCLIC

Au square Rouleauville, sur la 17ème avenue, la murale de James Marshall en premier plan et le clocher de la cathédrale St. Mary's en fond. Photo DCCLIC

À la cathédrale, comme à tous les autres points d'intérêt, vous trouverez un panneau d'information où il est possible grâce au QR d'y télécharger le contenu. Photo Arnaud Barbet.

À la cathédrale, comme à tous les autres points d'intérêt, vous trouverez un panneau d'information où il est possible grâce au QR d'y télécharger le contenu. Photo Arnaud Barbet.

Il fait frais ce matin dans le square Rouleauville, la rosée se réchauffe sur les premiers rayons du soleil, alors qu'au loin le clocher de la Cathédrale St Mary's s'illumine tranquillement. Je suis au point de départ de ce BaladoDécouverte, et tout de suite je comprends l'importance de ce lieu pour nos aïeux. 

Accompagné de mon téléphone, je découvre avec intérêt la murale de briques créée par James Marshall et son élaboration. Celle-ci dépeint avec précision certaines scènes quotidiennes de l'époque et les nombreux monuments patrimoniaux qui font de ce quartier une exception singulière de Calgary.

Tout au long du circuit, je m'émerveille et m'interroge sur ces nombreux bâtiments. Au pied de la cathédrale St. Mary's, je lève la tête et le vertige m'agrippe. Quarante mètres plus haut, le clocher de celle-ci me toise.

Plus loin, mon esprit voyageur divague sur le quai de l'ancienne gare du Canadian Northern Railway. Je hume la fumée de cette locomotive à quai, alors que derrière moi la salle des pas perdus s'est transformée en studio de danse pour le célèbre Alberta Ballet

À l'époque où les locomotives à vapeur rythmaient la vie de Rouleauville. Photo: Glenbow Archives (ND-8-307, 1913-1918).

À l'époque où les locomotives à vapeur rythmaient la vie de Rouleauville. Photo: Glenbow Archives (ND-8-307, 1913-1918).

La maison Rouleau, elle, a décidé de faire peau neuve. Sa rénovation, par la ville de Calgary, avance à grands pas. C'est donc avec émotion que je regarde les photos d'archives sur mon application en imaginant ce qu'elle deviendra après ses nombreuses années à l'abandon. Du couvent Sainte-Marie aux appartements Athlone, en passant par l'église Sainte-Famille, le circuit de la Baladodécouverte répond à ma curiosité et me fait découvrir des joyaux d'architectures dont l'histoire a souvent été oubliée. 

Derrière le patrimoine architectural, des femmes et des hommes d'exception 

La ville de Calgary ne s'est pas faite en un jour. Terre de pionniers, de fermiers et d'éleveurs, elle trouve ses racines dans le courage de ses missionnaires francophones qui se sont installés les premiers sur ces terres hostiles à plus d'un titre. Tout eu long de la BaladoDécouverte, des noms me fascinent et me rappellent notamment un passé catholique omniprésent, aujourd'hui discret. Et pourtant…

Portrait du père Albert Lacombe. Photo Archives de l'école Père Lacombe/Bureau de visibilité de Calgary.

Portrait du père Albert Lacombe. Photo Archives de l'école Père Lacombe/Bureau de visibilité de Calgary.

À la genèse de Rouleauville, le père Albert Lacombe, un personnage emblématique, missionnaire Oblats de Marie Immaculée, a su côtoyer pendant de nombreuses années et aider les peuples Pieds-Noirs dans toute la province. Finalement, il installe sa mission franco-catholique sur les bords de l'Elbow. Précurseur de la défense des droits et des intérêts des Canadiens-français sur ces terres de l'Ouest, il a accompagné le développement de Rouleauville pendant de nombreuses années.  

C'est notamment au pied de l'école Sainte-Marie, aujourd'hui Notre-Dame-de-Lourdes, que j'imagine avec quelle persévérance et quelle abnégation, les sœurs Fidèles compagnes de Jésus ont réussi à bâtir un système d'enseignement dès 1885, toujours présent aujourd'hui, malgré l'anglicisation de la province. 

Et que dire de ces quatre Sœurs Grises de Montréal qui, accompagnées du père Leduc, descendirent du train à la station du Canadian Pacific Railway de Calgary, par une nuit glaciale de l'hiver 1891, pour y bâtir le premier hôpital catholique francophone. 

Ce BaladoDécouverte du village de Rouleauville, nous accompagne avec simplicité sur les pas de ces personnages qui ont, par leur foi en Dieu, mais aussi en l'être humain, créé les services indispensables à la survie de la communauté francophone de l'époque. Aujourd'hui, Rouleauville est devenu Mission. Un quartier de Calgary annexé en 1907 où l'on murmure que l'âme francophone renaît. 

J'oubliais, Rouleauville ne se nomme pas comme cela par hasard, alors profitez de cette BaladoDécouverte gratuite et bilingue pour en savoir encore plus sur les frères Rouleau et les nombreux autres acteurs de la francophonie de l'époque, sur les artistes albertains qui ont participé à la beauté de ce patrimoine architectural et finalement si les papilles vous taquinent, sachez que la gastronomie francophone est, elle aussi, très bien représentée à Rouleauville-Mission. 

Le Dr. Édouard-Hector Rouleau et sa famille devant leur maison. Glenbow Archives (NA-5222-2, 1890).

Le Dr. Édouard-Hector Rouleau et sa famille devant leur maison. Glenbow Archives (NA-5222-2, 1890).

Pour visitez ce quartier de Calgary tout à fait unique par son patrimoine:

  • Téléchargez la BaladoDécouverte en français et/ou the BaladoDiscovery en anglais.

  • Visitez nos partenaires, le Café du Centre et Yann Haute Pâtisserie et obtenez 10 % sur vos achats, en présentant le circuit Baladodécouverte de Rouleauville sur votre téléphone ou tablette. 

  • Et finalement, retrouver certains de mes textes sur Tourisme Alberta

Un saut dans le passé pour mieux appréhender le futur

Un site de l’UNESCO à deux pas de chez moi, et je n’étais pas au courant. Il faut dire que l’Alberta à tellement à offrir dans les montagnes que l’on en oublie le Sud, ses plaines et ses contreforts. Le précipice à bisons Head-Smashed-In et son centre d’interprétation-musée sont des incontournables de la culture des Premières nations et de leur mode de vie.

Après deux petites heures de route, sur la 2 vers Lethbridge, j’aperçois au loin, à l’ouest, une proéminence géologique. Cette colline biseautée, jaunie par le soleil d’été et tannée par les vents, cache un trésor. La route serpente sur une pente douce, je débute l’ascension, curieux de voir ce qui se cache derrière ce promontoire. Au milieu de celle-ci, une cavalcade immobile de bisons m’arrête. Je suis arrivé au précipice à bisons Head-Smashed-In et son centre d’interprétation. 

La cavalcade immobile de bisons, porte du sanctuaire. Photo Arnaud Barbet

La cavalcade immobile de bisons, porte du sanctuaire. Photo Arnaud Barbet

L’édifice s’agrippe sur les flancs d’une falaise monumentale qui s’étend à perte de vue. Presque invisible de la route, son architecture se dévoile avec discrétion sur la terre du peuple pied-noir. Passé l’entrée du site, les visiteurs d’un jour, curieux et excités de fouler le sol des Premières nations Pieds-Noirs et de pouvoir, peut-être, participer à leur première chasse aux bisons fourmillent. 

À pas de velours, je me dirige dans les dédales du musée, jusqu’à la salle de cinéma. Je m’y installe, attendant la projection avec une curiosité grandissante. Les yeux rivés sur l’écran, je me retrouve projeté en quelques secondes à quelques kilomètres d’ici, dans les monts Porcupine. Je m’imagine vêtu d’une peau de loup, à l’affût du moindre déplacement de ces musculeux mammifères. 

La chasse a commencé, l’animal vénéré est bousculé, chahuté, acculé. Le temps passe, il n’y a aucune minute à perdre. Leur fuite est calculée et c’est sous la cadence infernale d’une fatale cavalcade qu’elle se terminera. En effet, dirigés pendant de longues journées de manière méthodique et ingénieuse, les bisons des plaines finissent leur route, le crâne brisé, dans le précipice estipah-skikikini-kots

Un héritage en suspens

La lumière s’allume, je quitte le fauteuil cossu de la salle de projection et me retrouve quelques minutes plus tard et une ascension rapide au bord de la falaise. Admiratif à la vue infinie sur les plaines, un frisson me traverse lorsque je regarde dans le vide et imagine la chute cruelle des bisons. Salvatrice pour le peuple Pieds-Noirs. 

Au loin la falaise, en premier plan la reproduction d'un tipi traditionnel. Photo Arnaud Barbet

Au loin la falaise, en premier plan la reproduction d'un tipi traditionnel. Photo Arnaud Barbet

En effet, les bisons ainsi tués sont dépecés sur place. Chaque gramme de peau, de chair ou d’os est utilisé. La viande pour se nourrir, les os pour confectionner des ustensiles et des outils, et les peaux pour fabriquer des vêtements, des sacs, et finalement couvrir les tipis. « Le bison (appelé in-niw en pied-noir) est pour nous un animal sacré. Il nous a été envoyé par le soleil, nous le vénérons et l’utilisons au quotidien », m’explique avec cette sagesse particulière que seules les Premières nations connaissent, l’une des guides présentes sur le site. 

Sa mère est pied-noir et ses aïeux aussi. Elle se remémore des souvenirs de jeune fille alors que nous nous dirigeons vers les salles d’exposition. « Ma mère m’a toujours préparé le pemmican, enfants nous le mangions et nous l’emportions dans un sac en plastique attaché à la ceinture. Avant, la poche était en cuir finement travaillée, admet-elle avec un peu de mélancolie ». 

Cette nourriture hyper protéinée est faite à base de viande séchée réduite en poudre et mélangée à la graisse de l’animal. Si l’on est chanceux, on y ajoute des baies comme le bleuet et cela devient tout de suite délicieux… Plantée devant un tipi, j’en admire sa construction. Sa structure rappelle cet animal emblématique et essentiel à la survie du peuple Pieds-Noirs. Solide, puissant et souple à la fois, il était, à l’époque, présent dans toute la plaine, du nord au sud de l’Alberta.

Un héritage à transmettre à tous

Rien ne l’émerveille plus que de pouvoir raconter à ceux qui désirent l’entendre les légendes de ses ancêtres. Transmises de bouche à oreille pendant des millénaires, quelques-unes se retrouvent dessinées au pigment sur les peaux de bison destinées à nous abriter. La parole est intarissable.

« Un jour, un jeune homme de la tribu voit dans l’eau des baies appétissantes. Avec sa main, il essaie de les attraper. Malheureusement, à chaque fois que sa main entre dans l’eau, les baies disparaissent. 

Des images d'archives qui honorent la fierté du peuple Pieds-Noirs. Photo Arnaud Barbet.

Des images d'archives qui honorent la fierté du peuple Pieds-Noirs. Photo Arnaud Barbet.

Finalement, exaspéré par une telle complexité, il lève les yeux vers le ciel. Devant lui, sur l’arbuste, les baies le singent avec éclats. Il comprend puis s’empare d’un bâton et tape le tronc pour faire tomber les baies tant convoitées ». Je souris, amusé par cette histoire, qui explique avec poésie l’usage du bâton dans la cueillette depuis maintenant des millénaires.

Je poursuis seul la visite, de salle en salle, l’histoire amérindienne se dévoile. Il me semble que nous avons beaucoup à apprendre sur le respect de la nature qui nous entoure, sur la vie en harmonie et la spiritualité de ses peuples des prairies. Autour de moi, je ressens l’enthousiasme de chacun des guides, ils ont à cœur de véhiculer leur culture à travers la danse et les chants folkloriques notamment.

Une façon personnelle de toujours rester en contact avec ces racines essentielles à tous les peuples. 

Alors, si vous désirez tout connaître des Pieds-Noirs, n’hésitez pas à visiter ce site magnifique. Vous y découvrirez leur mode de vie basé sur le respect de la nature, des saisons, des esprits, de la faune et de la flore des prairies. Vous pourriez goûter au pemmican fait de façon traditionnelle, marcher sur les traces des chasseurs de bison, et participer à de nombreux ateliers ludiques pour les jeunes et les moins jeunes. 

N’hésitez pas à visiter le site web headsmashedin.ca pour en savoir plus sur les évènements à venir, son accessibilité et les horaires !